lundi, août 14, 2006

Norbourg et la liquidation des fonds: le jugement Mongeon

Le dossier Norbourg avance lentement, c'est le moins que l'on puisse dire. Il progresse tout de même. À la fin juillet, le Juge Mongeon a rendu une décision très attendue depuis plusieurs semaines relativement au mode de distribution des sommes encore disponibles suite à la fraude dans les Fonds Norbourg et Évolution. Essentiellement, le Juge Mongeon devait trancher entre deux thèses: l'approche de distribution globale et l'approche de distribution par fonds. La première approche faisait en sorte que les détenteurs d'unités de tous les fonds recevraient une quote-part du solde de l'actif de tous les fonds, regroupés pour n'en former qu'un seul. Cette approche bénéficiait aux investisseurs qui détenaient des unités de fonds ayant été entièrement ou substantiellement dilapidés. La seconde approche respectait l'intégrité juridique des fonds et menait à une distribution par fonds entre les détenteurs d'unité de ceux-ci, au pro rata du nombre de leurs unités. Bien sûr, cette approche était susceptible de créer des disparités importantes entre les investisseurs, certains pouvant recouvrer aucune somme lors de la liquidation de leurs fonds s'ils avaient été entièrement siphonnés. Dans une décision étoffée, le Juge Mongeon tranche en faveur de cette seconde méthode et entérine la méthode de liquidation par fonds.

D'un point de vue strictement juridique, la question paraissait peu controversée pour les observateurs connaissant le droit des fiducies, que ce soit en droit civil ou en common law. C'est d'ailleurs ce qui ressort des motifs de la décision qui indiquent qu'il y avait bien peu de raisons solides en droit strict pour faire fi de la nature juridique des fonds et de les traiter comme une seule et même entité pour les fins de la liquidation. On ne met pas de côté l'autonomie patrimoniale aisément, surtout, comme c'était le cas en l'espèce, lorsque les fonds eux-mêmes n'avaient pas été utilisés pour commettre une fraude. Pour reprendre les termes du Juge Mongeon: "Ce n'est pas la structure fiduciaire des Fonds qui a été mise en place frauduleusement. La fraude ne se situe pas à ce niveau. Elle se situe plutôt à un niveau opérationnnel." Pour faire une analogie avec la levée du voile corporatif, le patrimoine fiduciaire des fonds n'était pas manipulé pour commettre une fraude. Il n'y avait donc pas de motifs pour ignorer l'autonomie patrimoniale des fonds et procéder à la consolidation.

Du point de vue de la politique publique, la consolidation présentait des difficultés qui la rendait peu attrayante. D'une part, il était difficile d'invoquer l'équité puisque la solution de la consolidation créait une certaine injustice pour les détenteurs d'unités de fonds qui n'avaient pas été pillés, comme le soulignait le Juge Mongeon: "Il ne faut pas, sous le couvert d'une certaine recherche d'équité, créer une nouvelle iniquité en tentant d'en corriger une première." D'autre part, on peut s'interroger sur les effets qu'aurait engendrer la consolidation sur l'industrie elle-même. En remettant en cause l'intégrité patrimoniale des fonds, on aurait créé une incertitude qui aurait pu avoir un impact négatif pour la perception des investisseurs. Cette incertitude aurait même pu mener à la mise en place de structure encore plus complexe pour l'opération des fonds.

Il est certes impossible de demeurer insensible à l'égard des investisseurs qui ont perdu des sommes substantielles dans cette affaire - et qui ne trouveront pas de réconfort dans la décision du Juge Mongeon. Cependant, l'indemnisation de leurs pertes ne peut pas se faire en bouleversant des principes bien établis et en créant de nouveaux problèmes pour l'avenir. Leur indemnisation doit d'abord passer par le recouvrement de sommes et l'obtention de dommages-intérêts dans le cadre des enquêtes et poursuites civiles en cours. Ensuite, si l'indemnisation des investisseurs pour les pertes résiduelles est considérée souhaitable compte tenu des circonstances, il reviendra alors au gouvernement de décréter une indemnisation extraordinaire en mesurant les conséquences du précédent.


2 commentaires:

Anonyme a dit...

Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez écrit mais je m'explique mal pourquoi ce dossier se ramasse à la Cour d'Appel.

Isabelle a dit...

À quand doit t'on s'attendre à avoir une décision de la Cour d'appel ? Quels sont les délais raisonnables ? Me Rousseau, croyez-vous qu'un processus "accéléré" est pris en compte dans ce dossier, comme c'est parfois le cas pour certains dossiers?