mercredi, novembre 19, 2008

L'éthique n'est-elle pas la clef pour résoudre la crise ?

Je vous livre quelques passages de l'analyse - ô combien éclairante - de M. Vittori (publiée dans les échos.fr du 18 novembre 2008 "La Finance sous le tapis").

Les financiers sont comme les balayeurs. Ils aiment bien mettre la poussière sous le tapis. Après tout, c'est bien normal. Quiconque passe souvent le balai sait combien c'est tentant - ne serait-ce que parce que le téléphone sonne ou que la pelle a momentanément disparu. Dans la finance, la poussière existe aussi, mais elle ne porte pas le même nom. On parle d'« engagements ». Et l'espace sous le tapis porte un nom encore plus abscons. C'est le « hors-bilan ». (...) Et pourtant... c'est ici, sous le tapis, que se tramèrent les drames financiers d'hier et d'aujourd'hui. Et que se préparent peut-être ceux de demain.
Hier, c'était Enron. En à peine plus d'une décennie, le modeste distributeur de gaz du Texas était devenu un géant du courtage, la cinquième entreprise des Etats-Unis. Pour financer sa fantastique croissance, Enron empruntait des milliards de dollars. Mais sans les inscrire dans son bilan, qui serait devenu trop déséquilibré. La firme planquait ses dettes dans des centaines de filiales. Hors bilan, ces dettes restèrent invisibles... jusqu'à ce que le scandale éclate en 2001. On est ici dans l'escroquerie. (...)
Aujourd'hui, ce sont les banques. L'essentiel de la révolution financière de ces dernières années peut s'analyser comme un gigantesque déplacement des activités des banques hors de leur bilan. (...) Elles ont agrégé des milliers de créances dans de nouveaux produits dits « structurés » qu'elles ont revendus sur le marché. D'autres (ou parfois les mêmes) ont accordé leur garantie à des produits financiers apparemment peu risqués moyennant de belles commissions, une opération non inscrite au bilan. Quand le marché immobilier américain s'est retourné, ces garanties se sont révélées ruineuses. Et les fameux produits « structurés » sont revenus dans la figure des banquiers. Soit qu'ils en avaient acheté, soit parce que leurs clients sont venus leur demander des comptes. Tous les balayeurs le savent : la poussière ressort toujours au mauvais moment, quand on déplace le tapis pour un grand déjeuner familial avec la vieille tante tout à la fois veuve sans enfant, richissime et asthmatique.
Et demain ? Après les entreprises et les banques, un nouvel acteur met à son tour la poussière sous le tapis : l'Etat. (...).
La solution consiste bien sûr à créer de nouvelles règles. Les anciennes n'ont rien empêché, quand elles n'ont pas incité les acteurs à soulever le tapis ! Il y a là de quoi faire travailler pendant des années les spécialistes du « design institutionnel » qui ont eu le prix Nobel d'économie l'an dernier. Bruxelles impose par exemple désormais aux banques de garder au bilan 5 % de leurs produits structurés - pour que la poussière dépasse un peu du tapis. Mais ça ne suffira pas. L'appât du gain est trop fort. La seule solution de long terme est l'éthique. (...).

A la prochaine ...

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