lundi, mars 02, 2009

Scandale Norbourg: une peine exemplaire à Vincent Lacroix s'impose

Le 27 février dernier, la Cour d’appel a entendu les pourvois interjetés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et Vincent Lacroix dans le cadre du scandale Norbourg. Ces pourvois constituent un nouveau chapitre de ce scandale. Au tournant de 2008, Vincent Lacroix a été trouvé coupable de 51 chefs d’accusations concernant des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, ce qui lui a valu une peine de 12 ans moins un jour d’emprisonnement et une amende de 255 000$ (voir ici). Cette peine d’incarcération constituait la peine la plus sévère au Canada pour des infractions provinciales en matière de valeurs mobilières. Cette décision a été renversée en partie par la Cour supérieure qui réduit la peine d’emprisonnement à 8 ans et demi moins un jour. La Cour d’appel doit maintenant statuer sur des questions interpellant le rôle des infractions réglementaires en matière de valeurs mobilières et les principes de détermination de la peine.


Infractions réglementaires et protection des investisseurs

L’objectif classique du droit des valeurs mobilières est de protéger les investisseurs. Des fermiers crédules du Kansas au début du XXième siècle achetant des portions de ciel bleu aux épargnants ayant succombé aux rendements mirobolants que faisaient miroiter Bernard Madoff, l’expérience démontre que la réglementation est nécessaire pour prévenir la fraude et les abus.


Les infractions pénales constituent un type d’instruments pour protéger les investisseurs. Ces infractions incitent au respect de la réglementation et découragent les formes préjudiciables de conduite. Elles visent également à promouvoir l’efficience. Lorsque les droits des investisseurs sont bien protégés, la confiance est au rendez-vous, ce qui se traduit par un coût de financement moindre pour les entreprises.


En somme, les infractions réglementaires jouent un rôle dans l’encadrement du marché des valeurs mobilières. L’enjeu dans le dossier Lacroix consiste à s’assurer que les tribunaux donnent un sens à l’objectif de protection des investisseurs les sous-tendant.


Les principes de détermination de la peine

De nombreuses critiques ont déploré la sévérité insuffisante des peines imposées au Canada lors d’infractions reliées aux marchés financiers. Pour certains, ce laxisme reflète la perception que les « crimes économiques » sont moins répréhensibles que les crimes contre les personnes. Pourtant, les fraudes ont des effets dévastateurs dans la vie des victimes comme l’ont tristement démontré les reportages concernant les investisseurs floués par Vincent Lacroix. En outre, les fraudes causent un tort important en minant la confiance des investisseurs comme en témoignent les répercussions du scandale Norbourg dans l’industrie des fonds d’investissement québécois.


Dans la détermination de la peine, les objectifs de dissuasion et de dénonciation sont prépondérants. Dans l’arrêt Cartaway Resources, la Cour suprême a reconnu que la dissuasion jouait un rôle dans la réglementation des marchés financiers : « il se peut fort bien que la réglementation des comportements sur les marchés ne donne des résultats valables que si les commissions des valeurs mobilières infligent après coup des peines qui dissuadent les participants au marché prudents de se livrer à de tels actes fautifs ». La peine doit être suffisamment sévère pour qu’elle ne constitue pas simplement un « coût d’opération » pour le contrevenant. La dénonciation met en exergue la gravité des infractions commises. Elle vise à lancer un signal quant au caractère répréhensible des actes commis de manière à assurer l’intégrité des marchés.


Pour le maintien de la peine imposée en première instance

En première instance, le Juge Leblond a imposé une peine exemplaire. En appel, le Juge Vincent a reconnu que, pour ce faire, il « a fait appel aux principes légitimes de détermination avant de fixer un terme qui reflète la gravité de l’infraction et la culpabilité morale ». Il a toutefois estimé que la peine était exagérée dans le contexte d’une loi pénale provinciale.


Cette affaire soulève des questions importantes. La Cour d’appel aura à préciser s’il est opportun de limiter la portée des peines découlant des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières par ce qu’il s’agit d’une législation provinciale, ce qui minimiserait la gravité des comportements à réprimer. De même, la Cour sera invitée à clarifier si l’imposition de peines consécutives lors d’infractions provinciales multiples respecte les principes de détermination de la peine ou s’il faut imposer des peines concurrentes. Si la seconde option devait prévaloir, la nature dissuasive des infractions en valeurs mobilières s’en trouverait grandement affectée puisque le nombre d’infractions commises par un contrevenant aurait peu d’incidence sur la peine. Souhaitons qu’en répondant à ces questions, la Cour d’appel rétablisse la peine imposée par le Juge Leblond.

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