Le Devoir, 12 juillet 2012 - La machine toujours en surchauffe aux États-Unis selon un article paru dans Le Devoir sous le titre "Réglementation financière - « Ne pas prendre au mot les firmes »".
En voici des extraits : Une nouvelle série de scandales financiers aux États-Unis place les
autorités américaines sous un jour peu flatteur et apporte encore un peu
d’eau au moulin des avocats d’une réglementation financière renforcée,
en particulier dans les produits dérivés. L’affaire des manipulations du taux interbancaire du Libor par la
banque britannique Barclays prend de l’ampleur aux États-Unis : le
secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, et le président de la
Réserve fédérale, Ben Bernanke, vont devoir témoigner au Congrès sur le
sujet, car trois banques américaines, qu’ils sont censés surveiller,
participent à la fixation de ce taux. La Fed de New York, responsable de
la supervision des grandes banques américaines, assure avoir coopéré à
l’enquête des autorités britanniques sur les agissements de Barclays,
après avoir été informée dès fin 2007 de « problèmes avec le Libor »,
mais laisse entendre qu’elle n’avait pas les moyens humains de lancer
une enquête en pleine crise financière. Hier, c’est la maison de courtage de dérivés PFGBest qui a fait
faillite au lendemain d’une plainte déposée par l’autorité du secteur
(CFTC), qui l’accuse d’avoir fait de fausses écritures pour gonfler ses
comptes en banque. Résultat : 200 millions de dollars de fonds de
clients manquent à l’appel. Huit mois seulement après la faillite d’une autre grande maison de
courtage de dérivés, MF Global, et alors que la CFTC et l’association
d’autorégulation du secteur des contrats à terme (NFA) ont examiné en
janvier les comptes de 70 sociétés du secteur sans trouver
d’irrégularité, leur compétence pose question. « C’est pourtant le
niveau zéro de la comptabilité de ne pas prendre au mot les firmes et de
vérifier qu’elles ont dans leurs bilans les fonds qu’elles disent avoir
», déplore John Kilduff, un dirigeant de la maison de courtage de
dérivés Again Capital. La banque JP Morgan Chase doit annoncer demain l’étendue de ses pertes
de courtage dans les dérivés, attendues au moins à 3 milliards de
dollars d’après ce qu’a annoncé la banque dès le mois de mai, mais
probablement plutôt à 5 milliards de dollars d’après la presse
financière.
Même s’il n’y a aucune indication de fraude et si la banque devrait
survivre à cette tempête en raison d’un bilan solide, le constat est
cruel pour la Fed de New York, qui dispose de 40 employés présents en
permanence chez JP Morgan pour « surveiller les divers aspects de la
stabilité financière », d’après une source proche du dossier. John Kilduff dénonce des « conflits d’intérêt » chez les régulateurs,
où les employés « semblent regarder de l’autre côté » quand il y a des
fraudes car ils pensent à se recaser dans le secteur financier plus
tard. « Ils ne devraient pas avoir le droit de revenir travailler après
dans la finance », juge-t-il. « Nous avons un problème avec les
régulateurs qui ont un oeil sur leur prochain emploi et quand ils sont
là, ils ne sont pas à la hauteur », renchérit Peter Morici, professeur à
l’Université du Maryland. Les allers-retours entre gouvernement, régulateurs et secteur financier
sont légion au plus haut niveau de ces agences gouvernementales.L’ex-secrétaire au Trésor Henry Paulson est un ancien de Goldman Sachs,
tout comme l’actuel président de la Fed de New York, William Dudley, et
l’ancien secrétaire au Trésor Robert Rubin s’est recyclé chez
Citigroup, pour ne citer que quelques cas. Difficile en tout cas de continuer à affirmer, comme le p.-d.g. de JP
Morgan, Jamie Dimon, que la finance américaine n’a pas besoin d’une
réglementation plus serrée, en particulier celle des dérivés, un marché
énorme, opaque et peu réglementé. Il est au coeur de la réforme
financière Dodd-Frank votée en 2010, dont la mise en oeuvre concrète
piétine.
A la prochaine...
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