Le Monde.fr, 9 juillet 2012 - Intéressante cette tribune de Martin Richer paru dans le quotidien Le Monde.fràpropos de la rémunération des dirigeants et de la possibilité de les encadrer par l'instrument fiscal.
Taxer à 75 % les revenus au-delà de 1 million annuel d'euros, limiter
les parachutes dorés, les retraites chapeaux, les bonus excessifs...
Beaucoup a été dit sur le caractère juste et équitable de ces mesures.
Je voudrais insister sur un aspect peu évoqué, mais plus controversé : leur efficacité économique. Dans son rapport Toujours plus d'inégalité : pourquoi les écarts de revenus se creusent (26
mars), l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) constate l'impact déterminant des augmentations de salaires des
dirigeants, sans commune mesure avec celles des autres salariés. L'OCDE
note que "le contrat social commence à se lézarder dans de nombreux pays" et constate que la France fait partie, avec le Japon, l'Italie et le Royaume-Uni, des pays dans lesquels "les taux supérieurs du barème de l'impôt sur les revenus ont le plus fortement diminué". A 40 % en 2010, il est devenu inférieur à celui de l'Allemagne ou de l'Australie
(45 %) et surtout du Royaume-Uni (50 %). Le conseil des prélèvements
obligatoires a montré que la progressivité de l'impôt s'atténue pour les
plus riches. Ce qui est vrai à l'échelle macroéconomique l'est aussi à celle des entreprises.
Lorsque la rémunération des dirigeants atteint des niveaux jugés trop
élevés, la cohésion des équipes et l'engagement des salariés se
lézardent. Ainsi, par exemple, une étude américaine citée par Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, professeurs de management à l'université Stanford (Californie), dans Hard facts, dangerous half-truths and total nonsense : profiting from evidence-based management (Harvard Business School Press, 2006), menée auprès de 102 unités opérationnelles, a montré que "plus
l'écart entre la rémunération des dirigeants et celle des salariés
était important, plus la qualité du produit était médiocre". Les
rémunérations excessives jettent le discrédit sur les efforts
d'amélioration de la compétitivité. La détermination d'une "juste"
rémunération est toujours un compromis entre cohérence interne et
compétitivité externe. La première doit être privilégiée en temps de
crise. L'argument principal émis par les opposants à cette mesure est le
risque de départ des "meilleurs" manageurs. Ce risque suppose
l'existence d'un marché du travail internationalisé pour les dirigeants.
Or un tel marché est loin d'être constitué. Un sociologue a récemment
publié une étude minutieuse du parcours des dirigeants à la tête des
principales entreprises en Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Chine, au Japon et aux Etats-Unis (Michael Hartmann, Internationalisation et spécificités nationales des élites économiques, Actes de la recherche en sciences sociales, no 190, décembre 2011). La conclusion est sans appel : "La
proportion des étrangers dirigeant ces grands groupes est très faible,
aux alentours de 5 %. Si on excepte les dirigeants issus de la même
sphère linguistique et culturelle (comme les Suisses et les Autrichiens
en Allemagne), ce pourcentage n'atteint plus que 2 %." Les dirigeants français disposent-ils d'une expérience internationale qui leur permet d'exercer leurs talents ailleurs ? Lire la suite ici.
A la prochaine...
Aucun commentaire:
Publier un commentaire