mercredi, juillet 17, 2013

Un seul acquéreur pour Shoppers: les enseignements du Delaware

Dans le Report on Business de ce matin, Boyd Erman aborde l'acquisition de Shoppers par Loblaws et pose la question Why would Shoppers agree not to shop for a better offer? Dans l'article, Erman présente le contexte de la transaction et les grandes lignes de la convention conclue entre Loblaws et Shoppers. Ce qui en ressort est que Shoppers a négocié avec Loblaws sans solliciter d'autres acquéreurs potentiels. En outre, la convention est assortie d'une clause assez usuelle de non-sollicitation (no shop clause) et de frais de résiliation de 2,4% de la valeur de la transaction. Même si l'article n'en fait pas été, le tout est vraisemblablement assortie d'une clause d'exonération fiduciaire (Fiduciary out) qui permet aux administrateurs de résilier la convention en faveur d'une offre supérieure afin de respecter leurs devoirs de loyauté, prudence et diligence.

Indirectement, l'article semble poser la question de la légalité de cette stratégie au regard des devoirs des administrateurs. La réponse offerte est double. D'une part, l'arrêt BCE élargit la notion d'intérêt social, ce qui permettrait au conseil de retenir la solution de l'acquéreur unique. D'autre part, les actionnaires disposent du droit de dire non et un autre acquéreur peut toujours émerger dans un contexte où les mesures de protection de la transaction n'ont pas un effet inhibiteur.

Mais au-delà de ces motifs, l'élément clef dans une telle transaction consiste à déterminer si la valeur est la meilleure, que ce soit dans la perspective des actionnaires que de la société (si on retient l'interprétation large de BCE). Et cette détermination implique l'obligation des administrateurs de se renseigner, qui fait partie de leur devoir de prudence et diligence. Or, à cet égard, deux décisions récentes du Delaware traitent spécifiquement de cette question. Dans la première, Plains, la Cour de Chancellerie a conclu que les administrateurs n'avaient pas contrevenu à leurs devoirs en menant une stratégie d'acquisition avec un seul acquéreur. Dans la seconde, Netspend, la Cour a conclu que les administrateurs avaient manqué à leurs devoirs en procédant de la même manière. La distinction: l'information détenue par les administrateurs et la possibilité d'une offre concurrente après l'annonce de la transaction.

À nouveau, la jurisprudence du Delaware est riche d'enseignement pour qui veut aller au-delà des généralités de l'arrêt BCE

Par Stéphane Rousseau, Professeur titulaire de la Chaire en gouvernance et droit des affaires, Université de Montréal

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