mercredi, août 11, 2010

Gouvernance d’entreprise et rémunération à l’aune de la nouvelle régulation financière américaine : big bang ou coup d’épée dans l’eau ? (la suite)

Suite de l'article consacré à la réforme américaine :

« Proxy access », structure du conseil et comité des risques : Le dispositif législatif institué confirme l’orientation progressive du modèle de corporate governance des institutions financières et des sociétés cotées vers un modèle de type actionnariale. Tout d’abord et bien que cette option fasse l’objet d’une discussion intense à la SEC, l’autorité financière américaine se voit demander d’intensifier son action pour faciliter l’accès des actionnaires aux procurations afin qu’ils puissent y inclure leur propre candidat pour l’élection au conseil d’administration. Ensuite, les sociétés vont devoir divulguer dans leur document annuel les raisons pour lesquelles celles-ci ont choisi de combiner ou de séparer les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. Enfin, la Section 165 prévoit l’établissement d’un comité des risques dans les sociétés financières supervisées par la Réserve fédérale et les holdings bancaires de plus de dix milliards de dollars (chiffre qui peut être réduit par la décision de la Réserve fédérale). Ce comité composé de directeurs indépendants et d’au moins un expert du management du risque est en charge de contrôler les pratiques de gestion du risqué.

Vers le « Say on Pay » et au-delà : Le titre IX (sous-titre E) du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010 contient une série de mesures destinées à favoriser de nouvelles pratiques et une nouvelle culture en matière de rémunération. En premier lieu, même si certaines règles énoncées sont redondantes avec celles déjà établies par la SEC, la divulgation d’informations se trouve encouragée tant dans son contenu que dans sa forme. « Pay-for-performance » et « pay-parity » sont les mots-clés de cette divulgation. L’autorité boursière américaine se voit pressée d’encourager la publicité du lien entre rémunération des dirigeants et performance financière de l’entreprise appréhendant les variations dans la valeur des titres et le montant des dividendes. Pour en faciliter la compréhension, le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010 incite la SEC à mettre en place une divulgation d’informations sous forme de graphiques et de schémas. En outre, la SEC se voit confier la mission de prendre des mesures destinées à rendre public la rémunération annuelle totale du président-directeur général, la moyenne de la rémunération annuelle totale des autres employés et le ratio entre ces deux chiffres. En deuxième lieu, les actionnaires des sociétés cotées se voient octroyer un double droit de vote facultatif concernant la rémunération des dirigeants : le fameux « Say on Pay ». Le premier est un vote destiné à se prononcer sur la rémunération des dirigeants telle qu’elle se retrouve divulguée dans la procuration. Le second est un vote (qui doit avoir lieu au moins une fois tous les six ans) pour déterminer la fréquence du « Say on Pay », à savoir, si les actionnaires doivent s’exprimer tous les ans, les deux ans ou les trois ans sur la rémunération de leurs dirigeants. Le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010 apporte des précisions en matière de fusion, d’acquisition et d’opération portant sur les biens de la société et instaure un « Say-on-golden parachute ». D’une part, les sociétés doivent publier, dans la procuration envoyée aux actionnaires pour approbation, les arrangements qui auraient été conclus entre elles-mêmes et leurs dirigeants à propos de la rémunération entourant l’opération et le montant total qui devra être payé en conséquence. D’autre part, à moins que les arrangements conclus aient été soumis à un vote précédent lors de l’assemblée générale annuelle, les actionnaires devront approuver cette rémunération par un vote. Enfin, les dirigeants de sociétés d’investissement soumis au formulaire 13(f) du Securities Exchange Act of 1934 devront désormais rendre public la manière dont ils ont exercé leur droit de vote sur une base annuelle. En troisième lieu, ce sont l’indépendance (sans toutefois la définir) des membres du comité de rémunération ou des conseillers (consultant ou avocat) en rémunération, les pouvoirs du comité de rémunération, la politique de restitution de la rémunération variable payée sur des données qui se révèleraient erronées, l’interdiction de certaines pratiques de rémunération en vigueur dans les institutions financières, ainsi que l’élimination du caractère discrétionnaire du vote des gérants de portefeuilles en matière d’élection des dirigeants et de rémunération qui constituent les autres pans essentiels de la réforme financière.

Une réforme entre espoirs et inquiétudes : En dépit de la nécessité d’une intervention législative liée au traumatisme de la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, force est de constater que cette réforme financière suscite autant d’espoirs que de réserves. Au titre de ces dernières, peuvent être cités l’ambiguïté de différentes exigences réglementaires, l’absence de réforme des entreprises du crédit hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae, le pouvoir reconnu au lobbying dans l’application détaillée de la réglementation, le peu de réflexions menées sur les causes de la crise, le recul sur nombre d’éléments envisagés lors des débats parlementaires ou encore, la trop grande importance accordée au jugement des agences gouvernementales. Toutefois, à l’instar de ce que relèvent les spécialistes, le mieux - sans être parfait - n’était-il pas préférable au rien ?
A la prochaine ...

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